Les chercheurs de vérité francophones trouvent souvent leurs informations auprès de sources anglophones.
Ils sont ensuite confrontés à un choix : traduire ou ne pas traduire.
La plupart du temps, ils ne traduisent pas parce que, en anglais, c’est plus cool, ça claque, c’est punchy, ça percute grave !

Qu’est-ce qu’une psyop, en bon français ?
L’anglicisme « psyop » (littéralement : une opération psychologique) est à la mode. Ceux qui l’emploient ont l’impression d’avoir découvert un nouveau concept.
Pourtant, les manipulations, les intrigues, les campagnes de désinformation et les guerres psychologiques remontent à la nuit des temps… mais, avec une touche américaine, tout est tellement plus chic !
Par exemple, on raconte qu’Alexandre le Grand envoyait des messages exagérés ou falsifiés pour semer la peur chez ses ennemis. À l’époque, quelqu’un songeait-il à « débunker » la « psyop » d »Alexandre le Grand ?
Comment se débarrasser de « débunker » ?
Cet abominable « débunker » a débarqué dans la langue française vers 2010

Comment diable les francophones ont-ils pu s’en passer jusque-là ? En utilisant démonter, démentir, démystifier, infirmer, défalsifier, réfuter, corriger, déconstruire, démasquer, détromper, démontrer la fausseté, déboulonner, dissiper, et tous les mots que l’affreux « débunker » est en train de remplacer. (cf. l’entrée de dictionnaire « débunker » de ce site pour voir des exemples).
L’origine de « débunker » (to debunk) est intéressante, elle n’a rien à voir avec « bunker »
L’homme qui a inventé le « bunkum »
Auteur : Nicholas J. Johnson
Felix Walker était un membre du Congrès américain du XIXe siècle dont on se souvient pour une seule chose : avoir prononcé la moitié d’un discours.

En 1820, le membre du Congrès, qui représentait le comté de Buncombe, en Caroline du Nord, s’exprimait devant le Congrès sur ce qui allait devenir le compromis du Missouri.
La législation proposait que le Missouri, un État esclavagiste, soit ajouté à l’Union à condition qu’aucun nouvel esclave ne soit autorisé à entrer dans l’État et que tous les enfants d’esclaves naissent libres.
Étonnamment, le point d’achoppement n’était pas seulement le désaccord sur le caractère immoral de l’esclavage en soi, mais aussi la question de savoir si le gouvernement fédéral avait le droit d’interférer dans les affaires des États.
Ce débat marqua le début des tensions régionales qui conduisirent finalement à la guerre civile américaine.
Le propre parti de Walker, les républicains démocrates, était divisé sur la question. Walker, originaire du Sud, était fermement opposé à l’ingérence du gouvernement fédéral dans les droits des propriétaires d’esclaves.
Après un mois de débats intenses et de manœuvres politiques instables, un vote devait être organisé. Cependant, Walker, qui n’avait pas pris la parole jusqu’à ce moment-là, avait quelque chose à dire :
Monsieur le Président, je ne me serais pas levé pour intervenir sur cette question si je ne pensais pas que nous sommes sur le point de nous engager dans une politique dangereuse et conflictuelle qui touche profondément certains de nos intérêts les plus chers et certains de nos droits les plus précieux. En donnant mon avis sur ce sujet, je me heurte à des difficultés que je ne peux éviter. Il a fait l’objet d’une discussion si brillante qu’elle exclut presque toute investigation supplémentaire, et tout ce qui pourrait être ajouté ressemblerait à un coup d’épée dans l’eau ou à un discours dans le vent…
Il a continué ainsi, avec éloquence et passion, sans rien dire du tout.
Il est remonté dans le temps, évoquant l’esclavage chez « les Juifs et les Chrétiens, les Grecs et les Romains, les Turcs et les infidèles », et s’est même aventuré dans la mythologie en donnant son avis sur le moment où « Nimrod, le puissant chasseur, a commencé la chasse, et où sa proie était l’homme ».
Les métaphores laborieuses se succédaient à un rythme effréné, telles une vague déferlante de mélasse. La Constitution américaine était une « arche de salut », la liberté était un arbre « poussant sur notre sol heureux », et l’amendement en discussion était à la fois un « fantôme de l’esprit », une « créature de l’imagination » et une « particule de discorde ».
Il devint rapidement évident que non seulement Walker n’allait pas en venir au fait, mais qu’il n’avait d’ailleurs rien à dire. Le public commença à huer et à chahuter, mais Walker, imperturbable, continua son discours.
L’attachement indéfectible de Walker à ses pensées à moitié formées et à ses arguments décousus exaspéra encore davantage la foule. Les gens se levèrent pour le chahuter. Finalement, Walker n’eut d’autre choix que de s’asseoir, sans avoir terminé son discours préparé.
Le discours de Walker est consigné dans les Annales du Congrès en un seul paragraphe :
M. WALKER, de Caroline du Nord, s’est alors levé pour s’adresser à la commission sur la question ; mais elle a été soulevée avec tant de véhémence et de persévérance que M. W. n’a pu aller plus loin que de proposer à la commission de se lever. La commission a refusé de se lever, à la quasi-unanimité.
Le Congrès a voté et le projet de loi a été adopté.
Bien que le discours de Walker soit resté inachevé au Congrès, le City of Washington Gazette s’est fait un plaisir de publier les cinq mille mots le lendemain.
Lorsque le journaliste lui a demandé pourquoi il avait continué à parler alors qu’il était évident que ses paroles n’avaient aucun impact, Walker a répondu que ses paroles n’étaient pas destinées au Congrès et qu’il avait fait « un discours pour Buncombe », le comté qu’il représentait.
Les paroles de Walker sont rapidement devenues synonymes de discours creux et de rhétorique, et d’autres politiciens ont commencé à qualifier les discours absurdes de « discours pour Buncombe ».
Au fil du temps, cette expression a été raccourcie en « Buncombe », qui s’est transformé en « bunkum », puis en « bunk », « debunk », « bunko » et, lorsqu’il est associé à « hoax », en « hokum ». (Le mot « hoax » a une origine curieuse, provenant probablement de la bénédiction sacramentelle catholique « Hoc est corpus meum » via les mots magiques « hocus pocus »).
