La veuillezite aiguë

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Ce texte vous paraît-il normal ? Pour beaucoup de traducteurs, il est normal. En effet, beaucoup d’entre eux sont atteints de la veuillezite aiguê.

Chaque fois qu’ils voient « Please… », c’est plus fort qu’eux. Vlan ! Ils écrivent un « veuillez ». Cette maladie affecte particulièrement les personnes qui se sentent obligées de traduire chaque mot (voire mot pour mot), sans se demander comment nous dirions ou écririons cela en français.

Bien sûr, la plupart du temps, il ne s’agit pas de traducteurs humains, mais de l’IA, qui recrache bêtement ce qui a été programmé.

Êtes-vous atteint de la veuillezite aiguë ?

Pour le savoir, il y a un test de dépistage. Comment traduiriez-vous : « Please click… » ?

Si vous traduisez par « Veuillez cliquer… », c’est que vous avez succombé.

Heureusement, il existe une cure de désintoxication, qui consiste à se mettre à la place du lecteur. Croyez-vous qu’il se sentira vraiment offensé si vous lui dites simplement « Cliquez sur le bouton de lecture » ?

Cette maladie s’accompagne souvent d’une phobie de l’impératif.

Je me suis échinée, ces trois dernières décennies (et pas décades), à expliquer aux traducteurs dont je corrigeais le travail que, en français, nous n’étions pas aussi polis qu’en anglais.

On me rétorquait parfois que l’emploi de l’impératif (sans le fameux « veuillez ») était trop direct. Par exemple, écrire « Patientez » au lieu de « Veuillez patienter » (pendant que l’utilisateur attend une mise à jour, un paiement ou autre opération sur Internet), leur semblait impoli.

Beaucoup de traducteurs se sentent obligés de traduire tous les « please » qu’ils trouvent, alourdissant les phrases en français, au point du ridicule, confinant à l’obséquiosité.

Je me souviens très bien, quand je suis partie habiter au Royaume-Uni, avoir dû faire un effort pour ajouter des « please » à tout propos, à l’écrit comme à l’oral, afin de m’adapter à la culture locale. Je suis quelqu’un de poli en français, mais les Britanniques sont beaucoup plus polis que les Français.

« Veuillez » est parfois opportun

À la fin d’une lettre, on écrivait volontiers « Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués » ou autre formule de ce genre, mais vous avez dû remarquer comme moi que ces formules ont disparu au profit de « Cordialement », puisqu’il faut gagner du temps.

Donc, d’un côté, certaines personnes ont peur d’être ridicules en employant des formules de politesse commençant par « Veuillez agréer » mais, d’un autre, elles nous mitraillent de « veuillez ».

Si l’on a peur d’être trop direct, dans un courrier, on peut effectivement utiliser « veuillez ». Par exemple, au lieu de « Réglez ce montant avant le 1er septembre » peut effectivement être remplacé par « Veuillez régler ce montant avant le 1er septembre ». Mais en placer à tout bout de champ dans des textes techniques, dans des logiciels ou dans des sondages me paraît excessif.

Certains remplacent « veuillez » par « merci de » ou « je vous invite à »

« Merci d’appuyer sur le bouton pour répondre au sondage ».

Ridicule, non ? Merci est consécutif à une action. Ou alors on dit « Merci d’avance ».

Quant à « je vous invite à », il est parfois utilisé pour éviter la « brutalité » de l’impératif. « Je vous invite à patienter en salle d’attente », « Je vous invite à remplir ce formulaire », etc.

Ce « je vous invite à » me semble superflu.

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