Arletty eût été fort marrie qu’on la traitât d’icône. C’est pourtant ce que font plusieurs articles que j’ai trouvés ici et là. Avec sa gouaille, elle eût sans doute répondu : « De quoi ? Non mais, t’entends l’autre, y m’traite de c…. ! »
Arletty prononce sa célèbre réplique « Atmosphère, atmosphère… est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? » dans le film Hôtel du Nord


À l’origine, une icône, c’est un tableau religieux oriental.
Au XXe siècle, avec l’essor de l’informatique, est apparue une nouvelle utilisation du mot icône.
Jusqu’alors, l’idée de produire le son « clic » sur un tableau religieux (cliquer sur une icône) aurait semblé incongrue.
Il est entendu que le mot grec eikonia signifie « petite image ». De là à l’utiliser pour de petites images non religieuses, les informaticiens anglo-saxons ont franchi le pas. En français, on aurait pu choisir « vignette », « symbole », inventer le mot « imagette » ou autre, mais le mot religieux a été promptement adopté dans nos contrées.
« Détails du pack d’icônes » (voir l’illustration) est un concentré d’anglomanie : emploi anglo-saxon du mot « détails », « pack » et emploi anglo-saxon du mot « icônes ».

De la vénération des « idoles yéyé » à l’adoration des « icônes de la pop culture »
Dans les années 1960, en France, certains jeunes adulaient Johnny Hallyday, Sylvie Vartan et tous les chanteurs la génération yéyé (de l’américain yeah yeah), surnommés des idoles.
Il y a peu (au début du XXIe siècle, selon mes estimations), « icône » a remplacé « idole » (tombé en désuétude), mais aussi, de plus en plus, « vedette », « personnalité » et « célébrité ».

En 2022, 20minutes.fr nous apprend qu’Élisabeth II est « Une reine devenue icône de la pop culture ». « Symbole de la culture populaire » n’était pas assez « catchy » (accrocheur) ou « punchy » (percutant) à leurs yeux.
Europe 1 s’est demandé si Vanessa Paradis était devenue « une véritable icône ».
Et Puretrend affirme que Letizia Ortiz est une « véritable icône mode ».
Contrairement aux images religieuses orientales d’origine, les « icônes » modernes apparaissent et disparaissent en fonction des tendances.
Comble de la confusion, sur Amazon Prime, « La saison 1 de La Maison de David raconte l’ascension de David, icône biblique » !!!
Je ne sais pas ce qui m’amuse le plus. Imaginer la tête de mes parents et grands-parents s’ils entendaient la phrase « David est une icône biblique » ou le fait que certains n’y verront aucun problème.

Et là, surgi de nulle part, ou plutôt si, arrivé directement d’Amérique, l’abominable, l’envahissant, le délirant « iconique ».
À ce que je vois, ce sont surtout les journalistes de la presse écrite et les publicitaires qui se gargarisent de ce mot. Quelques exemples :
Il n’y a rien de plus iconique qu’un pot Ben & Jerry’s.
3 villes croates iconiques au départ de Toulouse
La marque iconique Petit Bateau passe sous pavillon américain
Ouest-France ne francise même plus « iconic »
Dua Lipa prend déjà des selfies iconic
Comment dire « iconique » en bon français ?
Emblématique, symbolique, reconnaissable, caractéristique, facilement identifiable, célèbre (célébrissime si besoin est), mythique, légendaire, historique, etc.
Pour reprendre les exemples ci-dessus :
- l’immeuble iconique aurait pu être l’immeuble emblématique.
- le pot iconique de Ben & Jerry’s aurait pu être le pot caractéristique de Ben & Jerry’s
- les 3 villes croates iconiques auraient pu être les 3 villes croates célèbres
- la marque iconique Petit Bateau aurait pu être la marque historique Petit Bateau

Peut-on qualifier d’iconiqulastes les adeptes du mot « iconique » ?
Référence
